À chaque public, son persona !

Quels sont les besoins de nos publics ? Voilà une question que l’on se pose souvent. La remise du rapport Orsenna et la question de l’ouverture des bibliothèques le dimanche démontre bien que ce sujet est au cœur de notre pratique professionnelle. Seulement avec les fonctions de manager culturel ne viennent pas des pouvoirs de télépathie qui nous permettraient de sonder les cœurs et les âmes des personnes qui franchissent la porte (ou non d’ailleurs) de nos établissements…alors comment faire ?

On se pose généralement la question des besoins des usagers à deux grands moments : lors que l’on pense à la conception d’une action ou d’un projet d’établissement et lors de l’évaluation de ces derniers. Je travaille en ce moment sur la question de l’évaluation qualitative des actions en bibliothèques. Dans le cadre de mes recherches j’ai assisté aux journées d’étude de l’Association des Directeurs des Bibliothèques municipales et intercommunales des Grandes Villes de France (ADBGV) et c’est à cette occasion que j’en ai appris un peu plus sur les personas.

Pour certains d’entre vous, ce dont je vais vous parler n’est pas une révolution copernicienne de votre manière d’agir, surtout si vous commencez à maîtriser la question du design thinking.

Pour ceux qui découvriraient l’outil merveilleux que sont les personas, laissez-moi vous en faire une présentation rapide avant d’en venir à comment ils peuvent nous être utiles au quotidien. Ces réflexions sont nourries des échanges avec ma super collègue et colocataire Aude Devilliers qui a elle même travaillé sur ces sujets.

Persona ? C’est quoi ?

Un persona est une carte d’identité d’un usager fictif, que l’on a créé, car il a les grandes caractéristiques d’un public que l’on cible, ou qui vient dans nos établissements. C’est une technique issue du marketing, mais qui s’insère parfaitement dans les démarches de design de service car elle permet d’incarner les usagers et créé ainsi de l’empathie à leur égard.

Ce profil comporte : l’identité de la personne (nom, prénom, photo), une petite citation qui décrit son état d’esprit, des données démographiques (âge, profession, situation familiale), une biographie permettant de détailler son quotidien (habitudes, centres d’intérêt), ses objectifs et ses freins dans la réalisation de cet objectif. Lorsque l’on pense les personas en lien avec un service on peut aussi indiquer : le parcours utilisateur (comment la personne accède à l’information, au lieu, à l’animation) et les difficultés rencontrées.

Pour vous donner une petite idée d’à quoi cela ressemble, voici un exemple de persona que j’ai réalisé dans le cadre d’une action en bibliothèque à destination de bénéficiaires du revenu de solidarité active (Rsa).

Pourquoi faire ?

Lorsque l’on veut concevoir des services ou des actions pertinentes, il est essentiel d’avoir à cœur les personnes destinataires. C’est là que le persona entre en scène ! Il permet d’incarner les différents types d’usagers : ceux que l’on connait et qui viennent déjà, mais aussi ceux que l’on souhaiterait convaincre de l’intérêt de nos services. Cette méthode permet aux équipes de se projeter dans quels seront les publics-cibles d’une action afin de développer celle-ci en prenant en compte au mieux leurs aptitudes et leurs buts.

Comment créer un persona ?

Un persona ne vient pas de nul part, c’est le fruit d’un savant mélange entre enquête et empathie. Tout commence par l’identification d’un service ou d’une action que l’on souhaite mettre en place et la constitution d’un groupe autour de ce projet.

Étape 1 – La phase de recherche

Dans ce premier temps, on part sur le terrain tel un ethnologue de son propre service et de son territoire. Pour recueillir des informations sur les usagers actuels ou futurs, il est possible d’utiliser des sources indirectes comme les rapports sociodémographiques ou l’état de l’art sur le sujet (livres, publications, articles web…), mais rien ne remplacera l’observation directe ou la réalisation d’entretiens et d’enquêtes (questionnaires papier ou en ligne). Le but de cette étape est de comprendre la situation des usagers, leurs besoins, leurs comportements, leurs valeurs et de collecter l’ensemble de ces données.

Étape 2 – On analyse tout cela !

Les données brutes, récoltées pendant la phase de recherche, doivent ensuite être mises en forme et regroupées. Pour structurer cette analyse on peut utiliser les cinq types de variables distinguées par Alan Cooper, le développeur des personas, à savoir : les activités, les attitudes, les aptitudes de la personne, les motivations, les compétences. Le but, à partir de cette étape, est de regrouper des éléments permettant de créer, un ou plusieurs archétypes.

Étape 3 – On met en forme !

A l’occasion d’une séance de travail collaboratif, on met en forme à partir des éléments de l’analyse les différents profils d’usagers type. On réalise alors une fiche synthétique qui doit a minima contenir : les éléments d’identité, un récit de vie, les buts poursuivis et les comportements observés. La photo et la petite citation permettant d’incarner encore plus la personne.

Et après, on en fait quoi du persona ?

Ces cartes d’identité réalisées, elles peuvent servir de base à la construction d’une action, mais aussi à son évaluation. En se mettant dans la peau des personas on peut plus facilement analyser les forces et les faiblesses des différents dispositifs que l’on propose. Il est important lorsque l’on construit un projet de toujours avoir en tête la personne pour qui on l’a conçu. Il est même possible de confier à un collègue le rôle d’un usager type afin d’avoir ses retours sur son parcours d’utilisation des services.

Lorsqu’une action est terminée, vient le temps de la comparaison entre le public qui est venu et les personas que l’on avait réalisé. C’est donc l’occasion de s’interroger s’il on a bien attiré le public que l’on ciblait et d’ajuster les objectifs des personas si de nouveaux éléments se font jour. La démarche autour des personas est itérative, les profils que l’on créé ne sont jamais figés et s’enrichissent de l’apprentissage que l’on fait au contact quotidien avec les usagers.

J’espère que vous vous emparerez de cet outil, entre démarche de design et d’évaluation, n’hésitez pas à me faire partager vos exemples de personas en mentionnant sur les réseaux sociaux #personaculture. Est-ce que vous souhaiteriez en savoir plus sur le sujet de l’évaluation qualitative ? Écrivez moi et je vous préparerais un article prochainement.

Pour aller plus loin :

Sur les personas :

Sur l’évaluation qualitative :

  • Cécile Touitou (dir.), Evaluer la bibliothèque par les mesures d’impacts, Presses de l’Enssib, La boîte à outils (2016)