Vous portez avec vos équipes pour votre établissement, pour vos publics ou pour votre collectivité, un projet riche de sens. Seulement, lorsque arrive le temps des arbitrages budgétaires, impossible de trouver les financements pour le réaliser… Le bruit court dans nos professions qu’il existerait un moyen de trouver des sources de financement supplémentaires à nos ressources propres : le mécénat. Alors que certaines structures comme les musées sont aguerries en la matière, il n’est pas rare que les bibliothèques ne fassent qu’en rêver. Pire, on entend parfois que le mécénat n’est qu’une chimère dont il faudrait se tenir éloigné !
Le mécénat fait l’objet de beaucoup d’idées reçues : complexité, perte du sens du service public, ingérence systématique des mécénes… Il apparaît néanmoins comme une tendance de plus en plus forte, favorisé par la volonté des particuliers comme des entreprises de s’engager pour des causes qui les touchent. Le mécénat est une façon pour chacun de contribuer à une société plus solidaire. C’est également un levier de communication interne pour les entreprises qui démontrent par ce biais leur engagement en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE).
Dans ce premier article d’une série à suivre, je vous propose une sorte de guide du mécénat pour débutants. J’espère lever quelques préjugés encore malheureusement trop ancrés dans nos professions.
Le mécénat c’est quoi ?
L’arrêté du 6 janvier 1989 définit le mécénat comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire (particulier ou entreprise), à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général ». Le mécénat est donc un don. Il se distingue en cela du parrainage, car en matière de mécénat, il existe une disproportion marquée entre les sommées données et les contreparties que le mécène peut recevoir (le plus souvent en matière publicitaire). Ainsi, les dispositions légales insistent sur le fait que « le versement doit procéder d’une intention libérale de l’entreprise et ne doit pas être la contrepartie d’une prestation que l’organisme a effectuée à son profit »(art 238 bis du Code général des impôts (CGI)).
La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, dite loi Aillagon a donné un nouvel élan au mécénat (numéraire, en nature ou en compétence) en ouvrant droit à certains avantages fiscaux lorsque l’organisme ou l’œuvre est d’intérêt général. Ces avantages représentent :
- pour les particuliers, une réduction d’impôt « égale à 66% du montant des sommes prises dans la limite d’un plafond global de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements » (art 200 du CGI),
- pour les entreprises, une réduction d’impôt égale à « 60 % des versements effectués par les entreprises dans la limite de 5 pour mille [de leur] chiffre d’affaires » (art 238 bis du CGI).
Dans le domaine culturel, de nombreuses institutions correspondent au critère d’œuvre à caractère d’intérêt général, ce qui leur permet de recevoir des fonds dans le cadre d’un mécénat ouvrant droit à un avantage fiscal (art 6 de la loi du 2 août 2003). C’est notamment le cas pour l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements (voir : BOI-BIC-RICI-20-30-10-10, n°60), les organismes d’intérêt général (associations loi 1901 dont la gestion est désintéressée et l’activité non lucrative et non concurrentielle), les fondations et associations reconnues d’utilité publique, les fondations d’entreprise, les fonds de dotation, les organismes dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la diffusion du spectacle vivant ou l’organisation d’expositions d’art contemporain.
Le mécénat pourquoi ?
Le mécénat ne permet pas seulement d’apporter une bouffée d’air frais aux structures qui souffrent trop souvent de contraintes budgétaires. Faire appel aux dons des particuliers permet au public et aux contributeurs de se sentir impliqués dans le projet. Ainsi, l’engouement autour des levées de fonds pour l’acquisition de trésors nationaux démontre l’attachement de la population à participer à la conservation du patrimoine culturel. Faire appel à des entreprises permet aussi de bénéficier d’un regard extérieur : le mécène arrive avec sa sensibilité propre et les codes de l’entreprise privée qui peuvent enrichir le projet.
Le mécénat comment ?
Pour lever des fonds, il faut :
- un projet clairement identifié qui puisse être concrétisé dans un horizon à court ou moyen terme,
- un objectif défini ou un public cible,
- une réalisation qui puisse faire l’objet d’une évaluation.
Pour mobiliser les donateurs potentiels, il faut :
- communiquer sur le projet et ses valeurs, (réseaux sociaux, plateformes de mécénat, communication papier…),
- avoir l’appui de sa tutelle et mobiliser les autres directions afin de bénéficier d’une force d’entrainement,
- ne pas sous estimer le rôle des relations interpersonnelles et/ou l’attachement de la population à son patrimoine,
- se rapprocher des réseaux spécialisés dans la levée de fonds si nécessaire,
- réaliser une étude du paysage des donateurs potentiels,
- prévoir les contreparties qui pourraient intéresser le mécène.
Pour garantir le succès du projet :
Il faut comprendre ce que n’est pas le mécénat :
- Le mécénat n’est pas une baguette magique. Il faut pouvoir présenter un projet structuré au mécène afin de le rassurer sur l’emploi de son don et sur la réalisation finale.
- Le mécénat n’est pas une tutelle. Il est important de formaliser une convention afin que les deux parties connaissent clairement leur rôle. Au niveau d’une collectivité il peut alors être intéressant de faire adopter une charte du mécénat sur le modèle de celle proposée par Admical. Ces dispositions permettront de plus de limiter les risques en matière de gestion de fait ou encore de droit des marchés publics.
Il faut maîtriser les aspects financiers et juridiques autour du projet :
- L’évaluation du coût du projet avec des devis détaillés permettra de savoir s’il faut solliciter un partenariat avec un ou plusieurs mécènes.
- Les règles des finances publiques imposent un principe de non affectation des ressources pour les établissements publics ne bénéficiant pas d’une autonomie financière et dont l’activité est gérée en régie directe, comme c’est généralement le cas pour les musées, bibliothèques, écoles de musique et théâtres. Pour les dons faits pour des projets qui seront financés par le budget de fonctionnement, les actions culturelles par exemple, ceux-ci se retrouveront sur le budget général de la collectivité et il sera alors nécessaire de négocier avec sa tutelle pour que les sommes soient orientés vers le projet. Si les fonds sont destinés à soutenir un investissement il est alors possible d’ouvrir un fonds de concours qui permettra d’affecter directement les dons à ce projet.
- Pour s’assurer que les opérations mécénées ouvrent bien à réduction d’impôt il est possible pour les collectivités publiques de faire une demande de rescrit auprès de l’administration fiscale, mais ce n’est pas une obligation (art L 80C du Livre des procédures fiscales). Si cette procédure peut engendrer des délais supplémentaires, elle permettra de rassurer les éventuels mécènes. A noter que la délivrance de reçus fiscaux est obligatoire pour les particuliers (CERFA n°11580) mais facultative en cas de mécénat par une entreprise.
Après ce premier panorama du pourquoi et du comment du mécénat vous avez envie d’en savoir plus ? Je vous invite à suivre mon compte Twitter @fmdejob et la liste Mécénat qui vous permet de suivre l’actualité sur ce sujet.
Et vous, avez-vous déjà participé ou pensé à un projet de mécénat ? N’hésitez pas à me faire part de votre expérience ou de vos questions dans les commentaires.