Pourquoi et comment bien accueillir les enfants dans nos lieux culturels
Si certains lieux culturels leur semblent directement destinés, comme les espaces jeunesse des bibliothèques ou les musées comme la Petite Galerie du Louvre et la Cité des sciences et de l’industrie, la plupart de nos lieux culturels ne savent pas trop quoi faire avec le jeune public. On le dit souvent bruyant et difficile à contenter, en somme on préférerait peut-être qu’il reste chez la nounou ou ses grands-parents, pendant que les grandes personnes sortent se cultiver. Je force un peu le trait, mais dans cet article je veux vous montrer à quel point les établissements culturels ont tout intérêt à faire plus de place aux enfants.
J’ai eu la chance petite de partir chaque année en vacances. C’était toujours l’occasion pour mes parents et moi de découvrir les cultures des différentes régions de France en se rendant dans les écomusées et autres musées ethnographiques. En enfant sage, je déambulais silencieusement, concentrée, avec les mains derrière le dos pour ne surtout pas casser quelque chose par inadvertance. Même s’il me serait difficile de vous réciter aujourd’hui toutes les étapes de la récolte dans les marais salant ou de vous raconter l’histoire du Puy-en-Velay, la fréquentation des musées dès mon plus jeune âge m’a permis de me familiariser avec cet espace et j’ai toujours aujourd’hui beaucoup de plaisir à m’y rendre. En somme, grâce à cela je n’ai jamais trouvé le fait d’aller au musée ennuyeux et le même constat peut être fait pour le théâtre, le cinéma et la bibliothèque.
Pas besoin d’un master en sociologie des pratiques culturelles pour observer que les inégalités en capital social se traduisent par des inégalités en capital culturel, qui ont une influence directe sur la réussite scolaire, comme l’a développé Pierre Bourdieu. L’école, à travers les programmes d’éducation artistique et culturelle (EAC), cherche à offrir à chaque élève la possibilité de fréquenter l’art et donc les lieux culturels tout au long de leur parcours, de la maternelle jusqu’au lycée. S’il est primordial pour tous nos établissements culturels de s’inscrire dans une telle dynamique (voir la Charte de l’EAC), je voudrais aujourd’hui vous parler des dispositifs pour attirer les enfants dans le cadre de visites familiales qui leur permettent d’entrer en dialogue avec les œuvres notamment dans les musées ou lieux historiques. Vous trouverez en bas de l’article, des ressources en ce qui concerne plus particulièrement l’accueil des enfants en bibliothèque et la préparation à la venue à un spectacle.
L’accueil des enfants dans les lieux culturels est important pour la familiarisation à ces espaces. Dans leurs premières années, il l’est aussi pour permettre à leurs parents de maintenir une pratique culturelle. Pas possible de déambuler dans les espaces avec une poussette ? Pas de table à langer dans les toilettes ? Dans la conception ou dans la reconfiguration des espaces, il est donc nécessaire de prendre en compte les besoins des familles. En plus des tables à langer dans des toilettes inclusives, pourquoi ne pas proposer, comme c’est le cas dans certains musées, des porte-bébés afin de faciliter les visites et de prévoir un espace pour déposer les poussettes.
Pour les enfants un peu plus grand, un bon moyen de prendre en charge ce public, c’est de penser à des parcours spécifiques. La première option c’est de proposer des ateliers pendant que les parents font une visite ou alors à l’issue de celle-ci. C’est une bonne manière de s’approprier le thème des expositions et de rentrer à la maison fière de ses créations. De nombreux musées à Paris proposent ce genre d’activités et vous pourrez les voir recensés sur le site de La Muse . Cette option qui demande une logistique plus importante pour nos équipes peut justifier une tarification spécifique, mais celle-ci ne dépasse que rarement les 10 euros. Certaines institutions disposant du savoir faire en matière d’animation ont même décidé de proposer d’organiser des activités pour les anniversaires. Souffler ses bougies au musée ou à la bibliothèque, comme c’est le cas à Dunkerque, cela permet de créer un lien particulier pour les enfants avec l’endroit.
Mieux accueillir les enfants ça peut aussi passer par des visites guidées thématisées : visites contées, visites avec des jeux de pistes, visites gourmandes ou visites en famille… Autant de formules qui permettent de donner plus de relief aux œuvres exposées. Le musée du Quai d’Orsay propose ainsi tout un panel de visites ludiques et thématisés, une bonne idée à retenir. Pour séduire les plus jeunes, les bibliothèques ont ainsi depuis longtemps investi dans les heures du conte et dans les petits spectacles afin de leur donner le goût de la lecture.
Pour toucher le plus large public, il est aussi important de penser des dispositifs de médiation plus légers. Les audio-guides sur tablette pour les enfants sont une bonne idée, mais le risque est que l’enfant reste les yeux rivés sur son écran. Alors, la première chose à faire, c’est de penser des cartels pour les enfants qui soient à leur hauteur. Des phrases simples, des anecdotes accrocheuses, ou mieux encore des cartels où se sont les enfants eux-mêmes qui présentent leur œuvre préférée comme on peut le voir au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. Les musées comme les bibliothèques peuvent avoir recours au jeu pour familiariser les enfants avec les espaces. Dans les musées de la ville d’Angers on trouve des puzzles un peu partout dans les salles et le musée des Augustins de Toulouse propose de télécharger des programmes de parcours ludiques en amont des visites. Si vous avez besoin d’idées pour constituer ce type de médiation, allez faire un tour sur le site Jeux et Compagnie qui propose quelques pistes pour susciter l’intérêt des enfants ou allez consulter l’article Des livrets pour accompagner les enfants dans les musées dans la Lettre de l’OCIM. Pour prolonger la visite d’un lieu, on peut mettre à disposition des coloriages ou des petits jeux basés sur les collections, le Grand Palais (http://www.grandpalais.fr/fr/article/joue-en-ligne) propose même des ressources en ligne.
Adapter la scénographie et la médiation dans les lieux culturels est un enjeu de politique publique majeur pour familiariser les enfants dès le plus jeune âge à leur fréquentation. Adopter un discours de vulgarisation et favoriser un dialogue plus simple avec les œuvres peut aussi permettre de s’adresser plus facilement aux publics éloignés de la culture ou en situation de handicap mental.
Dans votre pratique professionnelle ou dans le cadre de visites vous avez vu d’autres exemples de médiation à destination des enfants ? Faites nous en part dans les commentaires !
Pour aller plus loin :
- Cora Cohen, L’enfant, l’élève, le visiteur : la formation au musée, La lettre de l’OCIM n°80, 2002
- L’accueil de l’enfant à la bibliothèque, Bibliothèque départementale d’Ardèche,
- De l’art d’accompagner un enfant ou un adolescent au spectacle, Grand Bleu