En matière de politique culturelle il y a la théorie, ce pays parfait où l’on souhaiterait tous habiter, et la pratique.
Penser et conduire une politique culturelle c’est faire un diagnostic de l’existant, définir des objectifs stratégiques en lien avec les enjeux identifiés, penser une déclinaison en objectifs opérationnels puis en actions et enfin prévoir un dispositif d’évaluation.
En tant que managers culturels, nous maîtrisons à peu près les enjeux de la conduite de politiques culturelles. Mais cette connaissance n’est pas forcément diffusée largement dans nos structures, aussi la mise en place de tels projets peut vite apparaître comme secondaire. Dans ces circonstances, la construction, puis le pilotage d’une politique culturelle doit s’adapter aux contraintes de moyens, sans pour autant renoncer à son ambition.
Je ne vais pas ici me lancer dans de grandes leçons sur tout ce qu’il vous faudrait faire. Je vais plutôt vous proposer quelques pistes de réflexion pour, quand noyés dans le quotidien, vous souhaitez malgré tout prendre un peu de hauteur sur la conduite de vos actions.
1 / S’appuyer sur d’autres acteurs pour réaliser un diagnostic
Le temps du diagnostic est essentiel pour connaître son public, ses problématiques, les acteurs du territoire, les leviers d’action… Le diagnostic permet de comprendre le passé en établissant un état des faits – les forces, les faiblesses et les opportunités d’un territoire – , de nouer un dialogue entre les acteurs et de définir des propositions d’actions.
La réalisation d’un diagnostic implique une collecte de données quantitatives et qualitatives, c’est donc une étape complexe à mener lorsque l’on arrive sur de nouvelles fonctions ou que l’on manque de moyens. Réaliser cette analyse du territoire pour en comprendre les forces et les faiblesses est chronophage en temps et en ressources humaines.
Comme il n’est pas toujours possible de recourir à une aide extérieure pour le conduire je vous propose de vous nourrir d’autres sources pour établir votre cartographie de données quantitatives :
- L’INSEE pour avoir une analyse des grandes tendances socio-démographiques
- La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale pour une analyse des forces et des faiblesses dans l’enseignement
- Les CCAS et CIAS pour les villes et intercommunalités travaillent sur des diagnostics sur la santé publique dans le cadre des contrats locaux de santé, au niveau plus macro les agences régionales de santé réalisent des études qui peuvent également être exploitées.
- Pôle emploi propose une carte interactive des différentes données ayant attrait à l’insertion et à l’emploi
- Le ministère de la Culture conduit des études pour analyser les tendances de fond dans les pratiques culturelles et les évolutions dans les différents champs de la culture comme les pratiques dans les musées, les établissements de lecture publique ou encore pour les services d’archives.
Une fois ces données collectées reste la partie qualitative de votre diagnostic à réaliser. Une solution a minima consiste à réaliser une enquête en ligne et/ou un focus group avec un panel représentatif d’usagers et partenaires. L’élaboration d’une trame d’enquête et la méthodologie pour animer un groupe de réflexion avec des usagers peut demander un travail dans la durée. Il est alors intéressant de voir les possibilités de collaboration avec les départements de sciences humaines d’universités pour impliquer des étudiants et chercheurs dans la démarche. S’il n’est pas possible de réaliser l’approche qualitative à ce stade, il sera toujours possible de l’éprouver au niveau de la formulation de vos objectifs stratégiques.
Pour en savoir plus sur la méthodologie de travail du diagnostic de territoire, je vous conseille le site Diagnostic-Territoire qui propose des ressources pédagogiques libres pour vous accompagner dans votre démarche.
2/ Mobiliser le terrain et éprouver ses objectifs stratégiques
Même si à ce stade vous avez une vision relativement claire des grands objectifs que vous souhaitez porter, il est important en amont de la formalisation de la politique culturelle de mobiliser autour de soi les acteurs qui seront des leviers du changement.
Faute de pouvoir s’engager dans une grande démarche participative, il est possible de travailler en amont les objectifs stratégiques et de réunir un groupe de travail réunissant l’ensemble des parties prenantes pour éprouver vos propositions. Veillez à réunir dans ces groupes des personnes représentatives des différentes parties prenantes (tutelles, agents, partenaires socio-éducatifs, usagers etc…). À l’issue de cette réunion il faut que les objectifs qui auront été définis répondent aux critères SMART (spécifique, mesurable, acceptable, réaliste, temporellement défini), soient écrits au présent et ne soient pas le reflets de préjugés mais bien issus du diagnostic partagé par les acteurs.
En associant les futurs partenaires sur l’élaboration des objectifs, ont s’assure qu’ils seront bien mobilisés pour monter les actions. Le travail collaboratif sur la définition des objectifs doit également permettre un travail plus pertinent et parfois même plus rapide.
3/ Contribuer au développement d’une culture projet partagée
Piloter une politique culturelle à vents contraires, c’est aussi faire en sorte de diffuser un maximum la culture projet au sein des équipes afin qu’une fois impulsé le projet puisse être pérennisé. La culture projet n’est pas toujours une évidence parmi les équipes, elle bouleverse parfois les manières traditionnelles de travailler car elle conduit à mettre autour de la table des acteurs différents souvent en dehors des organisations hiérarchiques.
Faire accepter la culture projet nécessite de déconstruire ces a priori et de faire percevoir que le mode projet permet de mener à bien les actions en ayant également un suivi. Pour se faire avoir une approche ludique et visuelle peut faciliter la compréhension et l’appropriation. Quelques outils vous seront nécessaire pour pouvoir assurer la mise en œuvre et le suivi de votre politique culturelle : un tableau de suivi des axes, des fiches projet pour les grandes actions, des fiches actions pour permettre à chacun de connaître les animations mises en place. Vous trouverez en ressources complémentaires à cet article un exemple de fiche projet à mettre en place. Une appropriation de ses outils par les équipes est nécessaire pour vous permettre de limiter votre intervention à chaque étape d’un projet dans un contexte où votre temps est compté.
La réalisation d’un tableau de suivi doit vous permettre de réaliser un bilan des actions menées par le biais d’indicateurs et de réaliser un bilan annuel de l’avancement du projet culturel qui servira d’outil de suivi pour vos tutelles. Comment matériellement réaliser ce suivi dans une situation contrainte ?
4/ Formaliser un retour du terrain
Pour s’assurer du bien fondé du déroulement d’une action et de son intégration dans le cadre d’une politique culturelle, il est important de pouvoir l’évaluer. Si le sujet de l’évaluation appel ici un article en lui-même, j’en profite tout de même pour vous glisser une vidéo permettant d’aborder les grandes étapes de la mise en place d’une stratégie d’évaluation incluant des données qualitatives.
L’évaluation est une manière d’éprouver la validité des axes de politique culturelle fixés au début de la démarche. Cela permet également au besoin de faire des réajustements et de faire évoluer le projet culturel dans le temps. En effet toute stratégie de politique culturelle devrait avoir un horizon temporel défini à l’issu duquel il importe d’établir si les objectifs stratégiques fixés sont atteints, à maintenir ou à revoir.
Les clefs de la conduite d’une politique culturelle dans un contexte contraint est donc un exercice empreint de pragmatisme. Partir de données existantes, s’appuyer sur les acteurs du territoires, diffuser une culture projet et d’évaluation autant d’étapes clefs qui vous permettront de porter une politique culturelle que chacune des parties prenantes puisse s’approprier.