Les lumières de la nuit

Il rayonne, il palpite et sort de lui comme un léger grésillement. Planté là, au milieu du trottoir, il est impossible de dire ce qu’il était censé éclairer.

Elle, seule. Fin de soirée de novembre, l’âme un peu trop chahutée par la vie et les larmes aux yeux, elle avance péniblement. Sans doute l’alcool, sans doute la tristesse, qui pèsent dans ses jambes et la font tanguer. À ce moment-là, il lui semble que demain ne veut plus rien dire. Cette petite rue, elle la pratique tous les jours.

Les habitudes effacent les détails, rendent le paysage anonyme, sans relief. Peut être parce que les circonstances sont différentes ce soir ou peut être parce qu’elle n’a plus rien à perdre, à travers le voile de larmes elle voit pour la première fois la beauté des lumières de la nuit. Tons or et oranges sur fond bleu Pantone 19-40502, tac tac des talons sur les pavés et froissements de feuilles pour seul décor. Il reste ça au moins, la beauté, même si l’avouer lui arrache le ventre.

Dans son cœur comme un écho, des bruissements ressentis dans tout son corps, d’où cela peut-il venir ? Un candélabre, il frémit, sa lumière semble scintiller différemment aussi. Elle se demande d’où peut venir ce bruit qui résonne en elle. Il semble trop étrange pour être seulement être le fruit d’une erreur de branchement de la société de fourniture d’électricité. Un petit éclat de cette lumière se réfracte dans son pendentif Belive in magic. Peut-être que si elle s’approche elle découvrira un accès vers un autre monde ? Peut-être que si elle y croit suffisamment fort tout pourra changer ?

© Raphaël Solarig

La promesse d’un regard

Il semblerait bien que ce soit toi qu’elle regarde. Toi au cœur de cette foule. Des yeux immenses, ça dessine comme des soleils avec ces cils infinis. Tu ne t’es jamais senti autant vu de ta vie, c’est quelque chose qui dépasse le simple croisement de regards. Tu doutes pourtant. Elle ne peut pas vraiment s’intéresser à toi, franchement tu ne le mérites pas, non ? Tu essayes de poursuivre la conversation commencée avant que ces deux immensités ne se posent sur toi. Voilà qu’elle te sourit, ça illumine son visage et ça semble vouloir dire « bienvenue, je t’attendais ». Derrière ton masque, celui en papier et les mille autres intangibles, tu lui retournes timidement ce signe de connexion, pas encore tout à fait convaincue. Cette question qui revient, pourquoi toi ? Si ça se trouve tu as un truc qui cloche sur ton visage qui appelle plus un rire, qu’un sourire.

Mais voilà qu’elle te tend les bras, à toi, levant tous les doutes. Elle est là avec ces yeux châtaigne magnifiques, sa peau porcelaine, son sourire plein de malice, son front balayé par une légère frange, et elle te tend les bras. Une manière de te dite « toi je te fais suffisament confiance pour m’abandonner au contact de ta peau ». Tu laisses tomber les masques, pour confirmer qu’il n’y a pas méprise ou confusion et lui rendre son sourire, le tiens plein de dents. Toujours ses bras et son envie d’aller vers toi. Tu n’as jamais fait ça, tu as souvent eu peur ou pas su comment accueillir. Depuis quelques mois pourtant tu as observé l’effet que ça pouvait faire de s’abandonner à l’instant, au pouvoir d’un regard.

Tu tends les bras et ce petit corps plein de joie quitte les bras de sa maman pour prendre place dans les tiens. Comme ça et ça paraît évident. Sentir la vie et le futur palpiter sous tes doigts met fin à toutes tes interrogations sur le monde, ne reste que la confiance et la sérénité. Elle semble bien, avec toi. Pourtant tu doutes encore, tu ne voudrais la priver de rien. Elle sait qu’elle n’a pas envie tout de suite de retrouver les bras refuge de celle qui est encore une extension d’elle-même. Vous vous colleriez presque, front contre front, à vous raconter les secrets de l’univers. A ce jeu tu paries qu’elle en sait déjà plus que toi. Saisir ces moments de pur bonheur, tu ne sais pas trop faire. Alors tu l’invites à regagner le confort du connu. Toi pour la première fois tu as été confronté à l’inconnu, à l’indicible aussi. Un petit geste d’au revoir puis tu t’éloignes. Tu sens encore dans tes bras, contre ton torse, dans ton cœur, le poids de sa présence, de la vie et de l’avenir. Avec la trace de ce poids dans le corps, tu repars en te faisant la promesse d’être à la hauteur pour que son demain et celui de tous les autres ne soit pas trop incertain.

Flambée

Il y a ce feu dans mon ventre
Quand je me lève, il est petites braises
Au fur et à mesure de la journée, il grandit
Promis je ne souffle pas dessus pour l’attiser
J’essaye de me concentrer
De faire comme si au fond de moi ça n’existait pas

Je fais bonne figure
Etre là pour ceux qui comptent sur moi
Professionnelle, qu’ils disent
C’est pourtant ton nom qui occupe mes pensées
Je vois tes yeux, ton sourire, tes mains
Il faut que je m’arrête là, ne pas aller plus loin

Quand je pense à tes caresses, à ton souffle sur ma peau
Si je ne contrôle pas mon esprit
Il part dans ce territoire que l’on habite toi et moi la nuit
Dans cet espace où il n’y a plus de langage
Privée de la vue, privée de l’ouïe
Mon corps s’abandonne entre tes mains

Le feu se propage, l’incendie est déclaré
Ça pourrait être un feu de joie
Autour duquel nous danserions
Compter les jours, les heures avant de te retrouver
Espérer alors l’embrasement complet
Jouer avec le feu

Te voilà, tu es là
Tes yeux, ton sourire, tes mains
J’imagine déjà tes caresses et le frisson de tes baisers
Mais ton corps se dérobe
Je nous rêvais continent et je te découvre île à la dérive
La fusion tombe à l’eau

Du feu ne reste que la fumée
Noire, toxique
Elle a le goût de l’amertume et des rêves en éclat
Pourtant tu es toujours là
Il reste tes yeux et ton coeur malmené par la vie
Je comprends peu à peu ce qui m’attend

Devenir pompier de ma propre incandescence
Calmer la flamme pour te donner du temps
Tu pars à ta propre reconquête
J’apprends à t’apprivoiser
Petite flamme de bougie, qu’un souffle peut éteindre
Espérer qu’à deux nous redeviendrons grand feu

Souvenirs de corps

Ça s’agite dans mon corps, grognements, fourmillements, sifflements, contractions. Il est prêt à partir au combat, mais contre qui ? Le seul danger dans cette histoire, le seul bourreau, c’est mon esprit. Au lieu de danser avec la vie, ce con là a décidé d’être en lutte. Du coup la carcasse suit le mouvement.

Le seul endroit confortable, le seul refuge pour eux semble le pays des souvenirs. Le présent tape trop fort ou sonne comme à travers du coton. Le futur s’élève à des hauteurs inatteignables, écrase avec son lot de questions sans réponses et sent déjà le roussit. L’odeur que j’aime moi, c’est celle de la nostalgie. Je pourrais passer des après-midi entiers à m’enfiler les cassettes mentales des épisodes précédents qu’ils soient heureux ou doux-amers. Les terribles, ceux qui font trop chialer, sont dans des espaces de stockage internes nécessitant d’y aller accompagné. Une fois la bonne pellicule trouvée, je déroule, j’analyse et savoure, enfin. Il m’arrive de rembobiner plusieurs fois pour tenter de comprendre et puis finir par réécrire ma propre histoire.

Le danger de ces petites séances de projections, c’est qu’en se complaisant dans ce re-jeu, je passe à côté des nouveaux souvenirs qui attendent là, dehors. Sans nouveautés, je risque alors de convoquer en boucle les mêmes histoires jusqu’à m’en rendre malade et leur faire perdre de leurs saveurs.

Alors cher corps, il serait temps de calmer le palpitant, de retrouver son souffle, de dénouer ses entrailles pour partir vivre un peu. Ne serait-ce que pour s’assurer d’avoir de la matière quand la saison de la mélancolie sera revenue. Accroche toi au printemps et malgré tout à ses promesses.

La poésie peut-elle sauver le monde ?

Récite ta poésie ! As-tu appris ton poème ? Le premier rapport à la poésie est dans l’enfance souvent celui de la contrainte. Les mots qui s’enchaînent ne font pas toujours autant sens que les contes et les histoires. Les maîtres.ses ont beau inviter à les illustrer, à les mettre en chanson, les poésies quand elles ne sont pas fables restent souvent des incantations. Il y a ceux qui excellent dans l’art de la récitation et qui deviennent à ce titre une gloire familiale et d’autres à qui échappent toujours un quatrain. Pourtant en poésie, point de compétition et peut-être que l’oubli d’une partie d’un poème en est déjà une sublimation.

C’est souvent aux premières heures de l’adolescence que la poésie entre vraiment dans nos vies. Ses rimes, son phrasé, sa cadence, sa complexité sont du baume au cœur et la porte ouverte vers un ailleurs pour ces nouvelles âmes. Les premiers textes composés sont d’ailleurs souvent des poèmes qui sont le langage de l’être, du devenir au monde. Quand tout est flou, confus, complexe, lorsque l’avenir est incertain ; la poésie par sa forme quelque peu mystérieuse permet d’avancer. Tel un magicien, un peintre, un savant cuisinier, allongée sur mon lit j’assemblais adolescente des mots. Il suffisait que le stylo touche le cahier pour que l’alchimie opère. Noms, verbes, adverbes, adjectifs et autres conjonctions de coordination devenaient alors des formules aux grands pouvoirs. Coucher ces quelques mots sur le papier, les voir se matérialiser, entrevoir leur beauté et savoir qu’ils nous racontent bien plus que l’on ne le pense, qu’ils nous mettent à nu, tout en restant finalement suffisamment obscurs, comme s’ils n’avaient pas complètement levé le voile de la vérité.

Voilà l’effet cathartique de l’écriture poétique.

Puis le nuage de doutes qui entoure l’adolescence se lève. Se forment alors des certitudes qui, si elles permettent d’avancer, rendent la connexion avec la poésie plus difficile. La quête de l’utilité commence et avec elle l’envie de construire son avenir. L’ère « adulte » s’ouvre. Les mots doivent avoir un sens, leur arrangement former un propos construit et la lecture doit avoir un objectif précis. Les assemblages, les jeux, les images, les assonances, perdent alors de leurs pouvoirs. Ce ne sont plus les idées qui sont obscures, mais les poèmes qui nous deviennent opaques. Nous nous trouvons bien naïfs d’avoir noirci tant de cahiers de vers, de rimes et d’espoir. L’aspiration est désormais celle du roman, avec sa trame narrative qui nous fait croire que l’existence serait un enchaînement de causalités conduisant à une suite logique d’événements et, évidemment, à une fin hautement désirable. Ah le romantisme, celui qui nous fait croire que l’on peut avancer dans la vie selon un canevas bien dessiné, puis une péripétie arrive et chamboule toute l’histoire. C’est alors que l’on prend conscience des limites de la narration.

C’est là, dans l’incertitude de l’existence, dans les périodes de crise, quand plus rien ne semble tenir, que la poésie revient. Comme une nécessité, comme la seule manière de comprendre l’incompréhensible, comme une prière de reconnaissance pour le précieux des petites choses. Les poèmes reviennent dans nos vies quand toutes les certitudes ont été déconstruites et lorsque derrière les masques se révèlent de nouveau l’âme de l’enfant qui sommeille en chacun de nous. Quelques mots pour consoler des plus grands chagrins. Dans les grands bouleversements, il y a peu de choses que l’on puisse faire, il y a peu de peines qu’un poème ne puisse consoler. Chagrins d’amour, disparitions de proche, échecs, questions existentielles, tout dans le poème permet de trouver des réponses ou plutôt de ne plus en chercher activement. La puissance du poème, c’est comme la puissance d’un tableau en comparaison à la photographie. La poésie laisse dans les interstices libres du vers, toute sa place au vagabondage de l’esprit. Le poème ne devient pas tant dans l’action de son auteur, que dans la libre interprétation qu’en fait son lecteur. Tout devient alors possible, manger un pied, remplacer un mot, oublier un quatrain, quand nous lisons ou murmurons un poème.

Lorsque le monde semble perdre pied, que tous les exercices de rationalité semblent vains, la plume du poète vient réordonnancer l’univers. Cette plume refait du lien là où la beauté et l’amour avaient été effacés. Elle se fait aussi arme de résistance contre la froideur d’un droit rédigé par une minorité ou d’une plume acerbe utilisée à l’encontre de la fraternité. Pour écrire des poèmes, il n’y a pas toujours besoin d’encre, car la poésie c’est surtout un regard porté sur le monde. C’est voir dans l’infiniment modeste, dans le petit, dans le quotidien, la beauté de l’être, l’esthétique du rien qui donnent pourtant à chaque seconde son importance.

À l’heure de la performance, des conditions générales de vente imposées, des mails à traiter, des bouleversements qui s’opèrent… lire, écrire et vivre des poèmes, apparaît comme le plus grand acte de résistance, de courage. Qu’ils soient haïku, alexandrin, en forme libre, ou pièce de théâtre, les poèmes par leur simplicité, vacuité et beauté sont devenus d’autant plus nécessaires. Nous ne sommes pas nés pour être seulement utiles et productifs, l’expérience d’être sur Terre, d’être au monde, est aussi une expérience plus spirituelle. La beauté des poèmes permet de se reconnecter à sa présence au monde.

Il en faut du courage pour écrire des poèmes, il en faut des poèmes pour se donner du courage, sans courage point de poèmes. Pour accompagner ces heures nouvellement libérées de quelques poèmes je vous glisse ici les recueils qui m’ont récemment le plus touchés :

  • Il y a le monde, d’Alain Serres, qui est en si peu de page l’histoire d’une vie pleine d’aventure et de cœur et dont les vers parleront aux plus jeunes comme aux plus grands.
  • Enfin le royaume, de François Cheng, dont les vers empreints de spiritualité et d’optimisme donneront matière à penser nos expériences contemporaines. « Car vivre / C’est savoir que tout instant de vie est rayon d’or / Sur une mer de ténèbres, c’est savoir dire merci ».
  • Bright star, de John Keath, comme une méditation et une invitation à nous rapprocher de la nature.
  • Le plâtrier siffleur, de Christian Bobin qui par la singularité de son regard au monde nous permet de voir la poésie dans chaque choses et invite à retrouver de l’estime dans les actions du quotidien.

Départ gare de Metz

Comme un cadeau, elles flottent dans l’air, quelques notes de piano qui réconfortent les voyageurs, les petits matins de départ ou les soirs d’arrivées après de longs voyages. Les artistes de quelques instants se succèdent, jeunes enfants venus faire leurs gammes, amis se lançant des défis, un homme qu’on croyait là pour faire la manche, la femme d’affaire avant de partir au travail. Ils ne jouent pas à guichet fermé, pour autant des milliers de spectateurs sont là. Ils ne jouent que pour eux, des petites notes et de beaux accords pour rendre le quotidien moins gris et incertain.

Lui donner rendez-vous et l’embrasser sous la statue de Jean Moulin, dans cette poignée de secondes, s’incarne tout ce que cette gare représente pour moi, un nouveau souffle, un élan de liberté.

Peu importe si les couloirs sont sombres, les amoureux trouveront toujours refuge, joie de l’attente et consolation face aux départs dans tes murs épais, témoins des plus sincères histoires. Tu as des petits airs de glaive planté dans la terre et tu te la joues plus belle gare de France. Tu le mérites c’est sûre, la belle gothique. Celle qui t’a précédée n’avait pas ton faste, ni ta carrure, alors que toi dans tes entrelacements tu tiens toute la complexité de ce territoire nourri et bouleversé par cet héritage franco-allemand. J’aimerais bien un jour visiter ton lanternon et y apercevoir de loin la cathédrale et peut-être de l’autre côté le Centre Pompidou. Je te promets de ne pas attendre, comme j’ai attendu pour visiter le toit de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. C’est une erreur de se dire avec vous, les vieilles pierres, qu’on a tout le temps devant nous pour vous visiter. Vous étiez là avant nous et nous vivons ainsi dans l’illusion que vous nous survivrez, alors qu’une flamme, un tremblement et vous voilà reléguées à la carte postale souvenir dans les fonds d’archives patrimoniales.

Tu es de ces personnages, dans la vie, ces adjuvants dans la trame narrative, dont on ne sait plus tout à fait à quel moment ils sont rentrés dans l’histoire. Mon premier souvenir de toi n’est pas si lointain et pourtant il appartient déjà à une autre époque, celle où l’on pouvait parcourir la France en train de nuit, ballottés et bercés sur des centaines de kilomètres pour atterrir au matin sous un autre ciel et toujours l’espérer, sous un autre soleil. La généralisation du TGV et l’arrivée des lignes à bas coût leur a fait du mal à ces villages éphémères mobiles.

Je suis arrivée Gare de Metz fin août 2010 avec quelques affaires et ma mère, pour partir emménager à Toulouse et y commencer mes études. Places assises et non couchées, changement à Montpellier, dos douloureux et sommeil impossible malgré les bouchons d’oreille et le masque sur les yeux. Tu es la gare des nouveaux départs, de ces sauts vers l’inconnu. A l’arrivée m’attendait une vie toute neuve et un avenir à construire. Pour ma mère-louve, cela marquait la fin de quelques chose, elle avait su accompagner son petit louveteau vers l’indépendance, la suite de l’histoire, c’était désormais à elle de l’écrire.

Prendre le train c’est partir à l’aventure, c’est se laisser guider par un autre, vers une destination que l’on souhaite meilleure. C’est aussi parfois se laisser tellement transporter par le moment présent, que la destination anticipée ne se trouve pas être celle vers laquelle on se dirige. Entre toutes tes voies, j’y perds parfois un peu mon latin et un soir d’hiver alors que je voulais effectuer le trajet Metz-Thionville, je me suis retrouvée dans le TGV partant sur le chemin inverse. Il suffit parfois d’un train en retard annoncé sur la même voie qu’un train déjà à quai, pour faire d’un soir de semaine anodin le début d’un scénario rocambolesque. Cette histoire n’aurait jamais pu arriver si j’avais pris ma voiture. Certes j’aurai pu me perdre à la sortie de l’autoroute ou alors vouloir emprunter les routes de campagnes et me perdre entre Rombas et d’autres charmantes bourgades en « -ange ». Mais là, grâce à la magie des rails, à l’humanité des contrôleurs et au grand cœur de mon amie un mardi soir à 20h je partais pour Paris.

Les gares, ces endroits où il est donné de rentrer dans la vie des gens, de découvrir ces petits moments de vie. Gare de Metz, train TER direction Nancy, au pieds de l’escalator un jeune homme et une jeune femme, les yeux rougis, ils pleurent, un collier souvenir d’un amour que l’on appellera bientôt passé, est rendu, le contrôleur annonce le départ imminent du train. Ils se séparent, la voie 7 ne leur aura pas portée bonheur. Elle part, il reste, il prends le couloir pour sortir de la gare en noyant son regard dans la succession de pixels sur son écran de téléphone. On vit tous cette rupture, la gare n’offre que peu d’abris pour ce genre de moments, nous sommes tous là à partager ces moments de vie avec eux. Les gares nous rappellent que sur les rails de l’existence, on est finalement tous bien similaires. Qui n’a pas vécu de séparation larmoyantes sur les quais, qui n’a pas retrouvé un amour attendu pendant de longues semaines à la sortie d’un train, qui n’a jamais vidé toutes les larmes de son corps assis sur son siège la tête appuyée sur la vitre du train ?

Je n’imaginais pas qu’après avoir avalé des milliers de kilomètres en train, je reviendrais à toi qui m’a servie de point de départ. Des gares, ici et ailleurs j’en ai vu, j’en ai aimé des belles et des lointaines, mais voilà le billet pris devait prévoir un jour, un retour. Tu es devenue aujourd’hui ma plus belle armure. Tu rends possible le fait de ne pas vivre où je travaille et m’offres ainsi une prise de distance, une protection. Tu me permets d’avoir une vie a moi, d’avoir 27 ans et de vivre l’inconséquence de mon âge.